Mon grand-père roulait ses boulettes de nez
Sous la table et les projetait au plafond Poc !
Sans que quiconque fût apte à le discerner
Moi seul avais compris le manège du vioque
Le soir venu devant la télé bien assis
Nous restions tous les deux l’œil sur l’unique chaîne
En ces jours noir et blanc Quant aux programmes gris
N’en parlons même pas Le poste était en chêne
Mon aïeule servait de bonne à faire tout
Chez une dame à fric et nous abandonnait
Le soir venu veillant comme de bons toutous
Le temps gouttait à la cuisine au robinet
Mes parents résignés me laissaient traverser
La cour qui séparait leur univers de l’autre
Celui de mon bompa Pourquoi ? Est-ce qu’on sait ?
Eussent-ils compati au sort du vieil apôtre ?
Toujours fut-il que nous en passâmes des heures
Lui à ronfler car il s’endormait bouche ouverte
Ça ne manquait jamais face au téléviseur
Moi que je sois debout tant qu’RTB émette
Combien je me complus dans ce chaud paradis
Il y avait un chien un horrible pinscher
Femelle et percluse au dernier degré d’arthrite
Jusqu’à la fin fidèle Ô ces deux êtres chers…
Qu’ai-je trouvé parmi leurs ternes existences
De l’immobilité Un cadavre au placard
On discutait de rien nous gardions nos distances
Je rentrais au bercail dans les minuit moins quart
Que devenait le vieux quand il était tout seul
Je ne l’ai jamais su Que de fantasmes tordent
L’imaginaire des gamins La tête meule
Je l’ai revu des ans plus tard tout jaune et mort
Ce recoin poussiéreux de mon enfance calme
A disparu du monde en triste tourbillon
Les cils de ma mémoire empêcheront les larmes
De creuser le passé de leurs maudits sillons
Ce soir j’entends le vent drosser d’étranges charmes
